Pour l'enseignement du vocabulaire - Inspection Education Nationale Circonscription de CANTELEU

Pour l’enseignement du vocabulaire Vocanet

, par Mina Fadli

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Un exemple de pratique présenté par Bruno Germain lors des conférences pédagogiques

QUATRE PRINCIPES

 

Jaqueline Picoche

1. Partir du mot (et non pas d’une chose, ni d’un thème, ni d’un texte)

Les mots ne sont pas de simples étiquettes, ce sont des outils, en nombre limité, qui nous permettent de dire un nombre illimité de choses, de penser, d’inventer, d’argumenter, de gloser... Ainsi, on préférera partir d’un « mot » (maison), plutôt que d’un « thème » (la maison), et on se posera cette question : de quel genre de choses, de quel éventail de « dire » cet outil permet-il à mon esprit de s’emparer.

La polysémie n’est pas un accident mais une donnée fondamentale du lexique. C’est une idée que l’on doit toujours avoir en tête lorsqu’on organise une leçon de vocabulaire. La plupart des mots usuels sont polysémiques et permettent de parler de différentes choses, et non d’une seule. Si certains outils servent à une seule chose bien précise, d’autres peuvent avoir différents usages : pensons à tout ce que l’on peut faire avec un simple couteau ! Apprenons donc à parcourir tous les emplois d’un mot pour acquérir de la dextérité à s’en servir.

On ne peut pas, sous peine d’être inintelligible, énoncer dans n’importe quel ordre les différents sens d’un “polysème”. Il a une logique interne. En particulier, il est très intéressant de bien faire comprendre le passage du concret à l’abstrait qui est le mouvement même de la métaphore, source de multiples polysémies (pensons aux sens figurés de feu, bruler, ardent) comme le mouvement de la métonymie (pensons au mot verre, qui peut désigner aussi bien une substance siliceuse solide, transparente et friable, qu’un objet, ou qu’une quantité de liquide de 20 centilitres dans « J’ai bu un verre ». On passe de l’un à l’autre par une suite de métonymies dont l’ordre n’est pas indifférent). La métaphore et la métonymie sont des mécanismes fondamentaux de multiplication des sens seconds, ou “figurés” auxquels il convient de donner toute leur importance

Evitons donc, lors d’une leçon, la facilité qui consiste à partir d’un objet, d’un concept, ou d’un ensemble de choses, généralement concrètes, appartenant au monde extra-linguistique, pour coller dessus des noms, comme des étiquettes. Par exemple, si je prenais pour point de départ le thème de la “promenade’, je serais amené à parler de l’itinéraire, de sa longueur, du paysage, du temps qu’il fait, des chaussures de marche, etc. Ce serait un travail “culturel” non linguistique. Tandis que si je pars du verbe “marcher ” employé dans une phrase simple, je ferai l’inventaire de ses dérivés, je les utiliserai dans de nouveaux contextes, et je chercherai le rapport qui ecxiste entre le sens de se déplacer en mettant un pied devant l’autre” et le sens de “fonctionner” possible avec toutes sortes de sujets concrets et abstraits, ce qui constitue une véritable étude de langue.

La réalité extra-linguistique est complexe, foisonnante ; elle engendre un vocabulaire hétéroclite et ne permet pas de travailler à fond aucun mot. Or, l’apprentissage de la langue passe par la maîtrise des mots qui sont des outils pour penser. Aller du mot ( du “linguistique”) à la chose (l’“extra-linguistique”) et non l’inverse, telle est la grande nouveauté de la démarche que nous proposons.

2. Partir du déjà su

Les listes de fréquence existantes concordent suffisamment entre elles dans les haute fréquences pour fournir de bons repères. Il y a de petits « outils » monosémiques très fins, comme le mot rhododendron, qui ne permettent de s’emparer que d’une seule espèce végétale. C’est le type même du mot sans fréquence significative. Il s’apprend sur le tas, et mérite une attention limitée au cas d’espèce et au besoin de précision. Il existe aussi, notamment parmi les hyperfréquents, des mots possédant une vaste polysémie comme, par exemple, devoir, énorme « machine » sémantique permettant de balayer tout un champ allant, par degrés successifs, de la dette d’argent à l’évocation de la probabilité. On voit qu’il y a plus d’intérêt à travailler, en classe, sur devoir plutôt qu’à faire une longue liste de variétés de fleurs. Tous nos élèves ne sont pas de futurs botanistes ! Mais tous les petits francophones, même faiblement francophones, ont déjà, par la force des choses , une certaine familiarité avec les mots très fréquents et avec un certain nombre d’autres qui le sont moins. C’est de cet acquis qu’il faut partir pour le perfectionner et l’enrichir. On ne cherchera pas nécessairement le mot rare et curieux, sauf de temps en temps pour mettre un peu de piment dans la leçon. Un trésor lexical de taille moyenne bien connu et convenablement manipulé, voilà ce que nous proposons à nos élèves de maîtriser.

3. Donner la priorité au verbe

Le travail de vocabulaire doit être centré sur le verbe parce que c’est lui qui structure la phrase et qui permet d’étudier les noms dans des contextes et non dans de simples listes.

Un verbe a au moins un sujet (verbes intransitifs) et généralement un ou plusieurs compléments essentiels (verbes transitifs, directs ou indirects). Il y a donc autour de lui des places vides qu’il faut remplir par des noms (J. Picoche les appelle des “actants“ : ces mots indispensables gravitent autour du verbe pour qu’il offre un sens « complet » (ce sont les agents « sujets », les compléments non circonstanciels « COD, COI »). Et, à l’expérience, on constatera qu’un verbe donné ne se combine pas avec n’importe quels noms ou n’importe quelle catégorie de noms. On évite ainsi l’apprentissage de fastidieuses listes de mots vouées à la seule désignation de choses. Par exemple, il est plus intéressant de jouer avec « bouillir » (l’eau bout dans une bouilloire, ou dans une casserole, c’est vrai mais on bout également quand on est en colère) que de lister les récipients de la cuisine (même si l’acquisition de ces mots n’est pas inutile non plus dans les circonstances de la vie courante).

Bien sûr, le point de départ des leçons n’est pas toujours un verbe ; lorsque c’est un nom, généralement concret (grandes réalités naturelles, parties du corps, etc.), un adjectif non dérivé exprimant une sensation ou un sentiment, le verbe arrive en deuxième position, mais il est toujours présent, et souvent ce n’est pas un seul verbe associé spécifique qui apparaît, mais plusieurs : le train roule sur des rails et transporte des voyageurs…. L’eau coule, ruisselle, mouille, etc. On aura souvent l’embarras du choix !

Avec les élèves les plus jeunes, notamment en maternelle grande section, les caractéristiques du verbe peuvent être découvertes de manière intuitive et implicite, elles seront ensuite plus formalisées.

4. Ne pas séparer le vocabulaire de la grammaire

Pas de mots hors phrase ! Autour d’une phrase simple : “sujet, verbe complément”, on pourra grouper les adjectifs et les compléments circonstanciels convenables, opérer des substitutions de synonymes, et, au moyen de transformations et de manipulations des phrases obtenues (utilisation des dérivés, déplacement de divers éléments) on pourra faire acquérir aux élèves de la souplesse dans leur manière de s’exprimer.

Il n’est pas nécessaire, dans les petites classes, d’utiliser une terminologie grammaticale, même simple. La seule habitude des manipulations de phrases leur facilitera beaucoup l’accès ultérieur à une grammaire explicite.

A cet effet, la démarche propose une liste de mots pour chacun des niveaux de classe concernée. Ces mots sont choisis selon plusieurs critères : leur fréquence, leur, richesse d’exploitation structurelle et sémantique et leur caractère plus ou moins usuel. Ils sont également liés, de manière plus ou moins forte aux programmes de chaque classe.

En pratique, le mot pris pour point de départ de la leçon doit servir de déclencheur à la recherche, par les élèves, d’un ensemble de mots associés. Cette récolte d’un petit ensemble de mots déjà connus et fournis par eux, complété par d’autres mots suscités par le maitre, sera la base de départ du travail lexical.

N’importe quel nom ne sert pas de sujet ou de complément à n’importe quel verbe et ne sert pas de support à n’importe quel adjectif. Il existe entre les mots des affinités de sens, des collocations sémantiques qui permettent de constituer rapidement une grosse grappe de mots en relation à la fois sémantique et syntaxique les uns avec les autres.

Voir en ligne : Vocanet

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